DES ROSEAUX PAR MILLIERS

**DES ROSEAUX PAR MILLIERS
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Les roselières ou massifs à roseaux communs couvrent de nombreux marais relativement peu profonds et s’étendent sur environ 8 000 ha en Camargue. Malgré leur structure végétale simple, elles sont l’habitat exclusif de plusieurs espèces d’oiseaux, comme la lusciniole à moustaches, la rousserolle turdoïde, le butor étoilé et le héron pourpré. Toutes ces espèces sont aujourd’hui considérées comme vulnérables et sont protégées sur le territoire national. Afin d’estimer leur abondance et leur besoins en terme d’hydrologie, de végétation et de ressources alimentaires, la Stationbiologique de la Tour du Valat a mené diverses études s’appuyant sur des programmes européens de conservation. Le butor étoilé, espèce vulnérable de conservation prioritaire en Europe, a fait l’objet d’un programme spécifique LIFE-Nature. Fait notable, le spectre de micro-habitats utilisés par les oiseaux inféodés aux roselières en France méditerranéenne diffère de celui qui est reporté dans la littérature spécialisée, portée plus généralement sur les régions européennes nordiques.

 

Dans un contexte de gestion durable des milieux, ce résultat révèle l’intérêt des études réalisées à une échelle régionale. Autre particularité intéressante : ces roselières ont une utilité, liée au contexte culturel des populations environnantes. Le roseau, ou la sagne comme on l’appelle dans la région, est, par exemple, exploité pour la construction de toits de chaume. Les chasseurs y trouvent du gibier d’eau, les éleveurs des pâturages pour les taureaux, les pêcheurs, des poissons, les touristes, un paysage unique avec sa faune paludicole… Chacune de ces activités socio-économiques requiert cependant une gestion différente des niveaux d’eau. Et les conflits chroniques entre usagers se sont, le plus souvent, terminés par l’endiguement des parcelles exploitées et par conséquence, la fragmentation de l’habitat.

Pour rechercher les meilleurs compromis possibles entre les besoins de la faune vulnérable et les usagers des roselières, la Station Biologique de la Tour du Valat a expérimentalement testé des scénarios de gestion et d’exploitation du marais avec l’appui des usagers. Le but étant de pérenniser les activités socio-économiques et la valeur patrimoniale des roselières.

 

LA POLITIQUE DU COMPROMIS

Dans ce cadre, une cartographie de l’occupation des sols couplée à une importante campagne d’enquêtes auprès des usagers a permis de comprendre les pratiques et les stratégies pour la gestion des milieux naturels exploités, ainsi que les représentations et les logiques des acteurs en présence. Suite à cela, les données des études scientifiques ont été confrontées aux connaissances empiriques des usagers au sein d’un dispositif de concertation pour mettre à jour les meilleurs compromis possibles. Ces derniers ont ensuite été intégrés à un plan de gestion hydrologique et environnemental piloté par le Syndicat Mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise ainsi qu’à des mesures agri-environnementales et à des contrats Natura 2000 pour l’exploitation des roselières en collaboration avec la Chambre d’Agriculture du Gard. Et pour sensibiliser l’ensemble des acteurs à l’intérêt d’une gestion collective des ressources, deux modèles multi-agents ont été développés. 

Le premier, ReedSim, intègre des données abiotiques (le climat, les niveaux d’eau), écologiques (la structure végétale, l’abondance et la diversité en espèces d’oiseaux) et socio-économiques (les pratiques, les crédits, les coûts).

 Il permet de simuler l’impact de divers scénarios de gestion sur la santé, les valeurs d’usages et patrimoniales des roselières au cours du temps. Le second, ButorStar, est une version simplifiée du premier modèle, mis en application sous la forme d’un jeu de rôles assisté par ordinateur. Il permet de réunir autour d’une même table et dans un cadre ludique l’ensemble des catégories d’usagers, qui peuvent alors bénéficier d’échanges de connaissances sur le fonctionnement des roselières et d’une réflexion collective sur les conséquences de leurs actions sur leur patrimoine naturel et culturel. Alors que l’étape suivante doit se concentrer sur la gestion et l’institutionnalisation des relations établies entre les différents partenaires pour pérenniser les acquis de l’étude, un fait est désormais bien établi. Celui de l’apport bénéfique pour la gestion durable des milieux des compétences issues de la recherche sur le vivant, de l’ingénierie, des sciences sociales et de l’action publique. En bref, des échanges entre la science et la société.

Extrait de l’article : Quand des roselières profitent des échanges entre Science et Société PAR BRIGITTE POULIN ET RAPHAËL MATHEVET

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